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Le 3ème Secret de Fatima : Pourquoi le Vatican tremble-t-il encore 100 ans après ?

Par Philippe Loneux |
Main gantée de rouge tenant une enveloppe scellée devant la basilique Saint-Pierre du Vatican sous un ciel d'orage, illustrant le mystère du troisième secret de Fatima.

Nous sommes le 13 octobre 1917, dans la Cova da Iria, au Portugal. Une foule de 70 000 personnes, trempée par une pluie battante, regarde le ciel avec terreur. Soudain, le soleil déchire les nuages et se met à tourner sur lui-même comme un disque d’argent fou, projetant des lumières multicolores avant de sembler foncer sur la terre. Ce jour-là, trois petits bergers illettrés — Lucia, Francisco et Jacinta — ne viennent pas seulement d’assister à ce que l’Histoire retiendra comme « Le Miracle du Soleil ». Ils sont désormais les gardiens d’un secret en trois parties, confié par la Vierge Marie. Si les deux premières parties (la vision de l’Enfer et la consécration de la Russie) ont été révélées assez tôt, la troisième a nourri les fantasmes les plus fous du XXe siècle. Guerre nucléaire ? Fin de la papauté ? Apostasie massive au sein de l’Église ? Encore aujourd’hui, malgré la publication officielle du texte en 2000, une question obsédante demeure : nous a-t-on vraiment tout dit ?

L’enveloppe qui faisait pâlir les Papes

L’histoire de ce secret est digne d’un thriller politique. Imaginez la scène : nous sommes en 1944. Sœur Lucia, la seule survivante des trois voyants, est malade. L’évêque de Leiria, terrifié à l’idée qu’elle emporte le secret dans la tombe, lui ordonne de l’écrire. Elle obéit, glisse la feuille dans une enveloppe scellée, avec une consigne stricte de la Vierge : « Ne pas ouvrir avant 1960. » Pourquoi 1960 ? « Parce qu’alors, le message apparaîtra plus clair, » aurait-elle dit. L’année fatidique arrive. Le pape Jean XXIII, le « Bon Pape Jean », se fait apporter l’enveloppe à Castel Gandolfo. Il brise les scellés, lit le contenu avec son traducteur portugais… et décide de le refermer. Le monde attend une révélation, mais le Vatican publie un communiqué lapidaire : le secret ne sera pas dévoilé. C’est ce silence qui a tout déclenché. Si le message était un simple appel à la prière, pourquoi le cacher ? Dès lors, la rumeur enfle : le texte contiendrait des vérités si effrayantes qu’elles pourraient déstabiliser l’équilibre géopolitique mondial en pleine Guerre Froide.

Ce que le texte officiel a révélé (et ce qui cloche)

Il faudra attendre l’An 2000 et le passage au nouveau millénaire pour que Jean-Paul II autorise enfin le Cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI) à briser le sceau du secret. Le texte décrit une vision apocalyptique : un « évêque vêtu de blanc » (le Pape) traversant une ville en ruines jonchée de cadavres, avant d’être tué par des soldats au pied d’une grande croix, sous les tirs de flèches et d’armes à feu. L’interprétation officielle du Vatican est rassurante : cette vision prophétisait l’attentat contre Jean-Paul II le 13 mai 1981, place Saint-Pierre. Le Pape a survécu, la prophétie est accomplie, circulez, il n’y a plus rien à voir. Pourtant, pour de nombreux « Fatimistes » et théologiens, le compte n’y est pas. Pourquoi ? Parce que dans la vision, le Pape meurt. Jean-Paul II, lui, a été sauvé. De plus, Sœur Lucia avait mentionné que le secret concernait « les dogmes de la foi ». Or, la vision d’un attentat politique ne parle pas de dogme. C’est ici que s’ouvre la brèche du doute : existe-t-il une « deuxième feuille » ou une phrase explicative que Rome aurait choisi de garder sous silence pour ne pas affoler les fidèles ?

L’ombre de l’apostasie : La peur de l’effondrement intérieur

L’hypothèse la plus tenace, soutenue par des propos énigmatiques de cardinaux ayant lu le texte, n’est pas celle d’une guerre mondiale, mais d’une catastrophe spirituelle. Le Cardinal Ciappi, théologien de la Maison pontificale, a un jour lâché cette phrase troublante : « Dans le Troisième Secret, il est prédit, entre autres choses, que la grande apostasie dans l’Église commencera par le sommet. » Voilà peut-être la raison du tremblement de Rome. Il est plus facile d’annoncer une guerre ou une persécution venue de l’extérieur (les communistes, les soldats) que d’admettre une corruption de la foi venant de l’intérieur même du Vatican. Si le secret annonçait une trahison des clercs ou une perte massive de la foi en Europe, on comprend pourquoi des papes bâtisseurs comme Paul VI ou Jean-Paul II ont hésité à le jeter en pâture au public.

Pourquoi sommes-nous fascinés par la fin des temps ?

Au-delà de la polémique, l’affaire de Fatima agit comme un miroir de nos angoisses contemporaines. En 1917, on craignait la guerre des tranchées. En 1960, la bombe atomique. Aujourd’hui, nous y lisons nos peurs d’effondrement sociétal. Le « Secret » fonctionne comme une boîte de Pandore. Tant qu’il reste une part d’ombre, nous pouvons y projeter nos incertitudes. Mais il faut garder une certaine prudence intellectuelle : chercher des complots partout, c’est parfois oublier l’essentiel du message initial des apparitions, qui était d’une simplicité biblique : prier et faire pénitence. Alors, tout a-t-il été dit ? Probablement l’essentiel. Mais dans les couloirs feutrés des archives secrètes du Vatican, il est permis de penser que certains dossiers restent plus poussiéreux que d’autres, non par négligence, mais par prudence. Après tout, certaines vérités ont besoin de plus d’un siècle pour être audibles.

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Questions fréquentes sur le Secret de Fatima

1. L’Église oblige-t-elle à croire aux secrets de Fatima ?

Non, absolument pas. En théologie catholique, Fatima relève des « révélations privées ». Contrairement à la Bible (Révélation publique) qui est la base de la foi, les apparitions ne sont là que pour aider les fidèles à une époque donnée. Vous pouvez être un excellent catholique sans croire un seul mot de ce qui s’est passé à Fatima. C’est une aide, pas une obligation.

2. Quel est le lien avec la Russie ?

C’est le cœur géopolitique du message. En 1917, alors que la Révolution bolchévique n’avait pas encore éclaté, les voyants affirmaient que la Vierge demandait la « consécration de la Russie » pour éviter qu’elle ne « répande ses erreurs à travers le monde ». Pendant des décennies, cette mention a été vue comme une lecture anticommuniste divine. Jean-Paul II a finalement procédé à cette consécration en 1984, quelques années avant la chute du Mur de Berlin.

3. Y a-t-il encore des témoins vivants ?

Non. Francisco et Jacinta sont morts très jeunes (1919 et 1920) de la grippe espagnole. Lucia dos Santos est devenue religieuse (Carmélite) et a vécu jusqu’à l’âge de 97 ans. Elle est décédée en 2005, emportant avec elle ses derniers souvenirs et, qui sait, les ultimes nuances de ce fameux secret.

À propos de l’auteur Chroniqueur spécialisé en histoire des croyances et symbolisme, explore les frontières du visible. Il décrypte aussi bien les traditions religieuses que les phénomènes ésotériques et les grands mystères, en cherchant toujours le sens caché sous le prisme de l’analyse historique.
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