Un texte majeur de la tradition gnostique retrouvé à Nag Hammadi
Le Livre des secrets de Jean, également connu sous le nom d’Apocryphon de Jean, est un évangile gnostique rédigé en grec au IIe siècle, puis traduit en copte.
Il fait partie des manuscrits découverts à Nag Hammadi en 1945, et il existe en plusieurs versions, ce qui montre sa diffusion étendue dans les milieux gnostiques.
Ce texte se présente comme une révélation de Jésus ressuscité à l’apôtre Jean, dans un contexte de crise spirituelle. Il expose une cosmologie complète, une vision du mal, et le chemin pour que l’âme retrouve sa véritable origine divine.
Origine, langue et tradition de transmission
Le Livre des secrets de Jean a été rédigé en grec alexandrin, probablement en Égypte, vers 140 à 180 après J.-C.. Il s’inscrit dans une tradition gnostique séthienne, influencée par la philosophie platonicienne, le judaïsme biblique, et les débuts du christianisme.
Quatre versions du texte ont été retrouvées : trois en copte à Nag Hammadi, et une quatrième dans un autre codex découvert à Berlin.
Il s’agit d’un texte fondateur pour comprendre la gnose séthienne : un courant qui considère le monde matériel comme issu d’un défaut cosmique, et qui propose une libération intérieure par la connaissance (gnosis).
Le contenu : création du monde, chute, révélation et salut
Le texte commence par une scène où Jean, désespéré après la crucifixion, se retire seul. Le Christ lui apparaît sous une forme lumineuse, et lui révèle :
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l’existence d’un Dieu invisible et parfait,
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la production d’émanations divines ou Éons, dont Sophia,
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la chute de Sophia, qui engendre sans son compagnon un être déficient : Yaldabaoth,
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la création d’un monde déformé, gouverné par Yaldabaoth et ses archontes,
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l’emprisonnement de l’étincelle divine dans le corps humain,
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et la possibilité, pour ceux qui reçoivent la connaissance, de retourner à leur source divine.
Le texte mêle cosmologie, anthropologie spirituelle, et mystique du salut, avec un style narratif dense et symbolique.
Pourquoi ce texte a été rejeté par l’Église
Le Livre des secrets de Jean a été vivement critiqué par les Pères de l’Église, notamment Irénée de Lyon, pour plusieurs raisons :
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Il nie la bonté de la création matérielle,
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Il propose une théologie élitiste, où seuls ceux qui reçoivent la gnose peuvent être sauvés,
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Il remet en question le Dieu créateur de la Genèse, assimilé ici à un usurpateur aveugle,
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Il s’inscrit dans une lecture ésotérique et alternative de la Révélation chrétienne.
Il a été condamné comme hérétique, et a disparu pendant des siècles avant d’être redécouvert dans les manuscrits de Nag Hammadi.
Un texte central pour comprendre la pensée gnostique
Le Livre des secrets de Jean est l’un des textes les plus riches de la gnose antique. Il présente une vision complète de l’univers, du mal, du destin de l’âme, et du salut par la connaissance intérieure.
Il ne cherche pas à concurrencer les Évangiles canoniques, mais à répondre autrement à la question du mal, en offrant une structure spirituelle à ceux qui se sentent exilés dans le monde.
Il a influencé d’autres textes gnostiques, comme la Hypostase des Archontes, le Livre de Thomas, ou le Tripartite Traité, et il reste aujourd’hui un document essentiel pour l’étude des spiritualités alternatives du IIe siècle.
Questions fréquentes sur le Livre des secrets de Jean
1. Ce texte fait-il partie de la Bible ?
Non. Le Livre des secrets de Jean est un évangile gnostique, exclu du canon chrétien et condamné comme hérétique dans l’Antiquité.
2. Ce texte a-t-il été vraiment écrit par l’apôtre Jean ?
Non. L’attribution est symbolique. Le texte est pseudépigraphe, comme beaucoup d’écrits gnostiques, pour lui donner autorité.
3. Quand ce texte a-t-il été composé ?
Entre 140 et 180 après J.-C., probablement en Égypte, dans un milieu influencé par la gnose séthienne.
4. Quelle est la langue originale du texte ?
Le texte a été rédigé en grec, mais il nous est parvenu essentiellement en copte, à travers les manuscrits de Nag Hammadi.
5. Que raconte ce texte ?
Une révélation du Christ ressuscité à Jean, expliquant l’origine divine de l’âme, la chute du monde matériel, et le chemin de libération par la gnose.
6. Qui est Yaldabaoth dans ce texte ?
Un archonte déchu, né de la faute de Sophia, et identifié comme le dieu créateur déformé, usurpateur du vrai Dieu invisible.
7. Pourquoi l’Église a-t-elle rejeté ce texte ?
Parce qu’il nie la bonté de la création, reformule radicalement la Genèse, et propose un salut réservé à une élite éclairée.
8. Ce texte est-il encore étudié aujourd’hui ?
Oui. Il est essentiel pour comprendre la gnose antique, et il fait l’objet de nombreuses études universitaires en théologie, histoire des religions et philosophie.
9. Peut-on lire ce texte en français ?
Oui. Il est traduit dans les Écrits gnostiques de la Pléiade, et dans d’autres éditions comme celles des éditions Cerf ou Bayard.
10. Ce texte a-t-il influencé d’autres traditions ?
Il a influencé plusieurs textes gnostiques postérieurs, et certaines spiritualités modernes se réfèrent à son message sur l’âme divine emprisonnée dans le monde matériel.