Qu’est-ce que la Lettre de Pilate et pourquoi ce texte a circulé ?
La Lettre de Pilate est un texte apocryphe chrétien, rédigé entre le IVe et le VIe siècle, qui prétend rapporter une correspondance entre Ponce Pilate et l’empereur romain Tibère.
Elle se présente comme un rapport officiel, dans lequel Pilate justifie la condamnation de Jésus, ou au contraire défend son innocence, selon les versions.
Ce type de texte répond à une volonté ancienne de légitimer la figure de Jésus face au pouvoir impérial, mais aussi de blanchir Pilate ou de déplacer la responsabilité du procès.
C’est un écrit à portée politique autant que religieuse, transmis sous forme de lettre publique, et intégré dans divers cycles apocryphes de la Passion du Christ.
Origine et versions connues de la Lettre de Pilate
Il existe plusieurs versions de la Lettre de Pilate, issues de traditions différentes : latine, grecque, copte, arménienne ou éthiopienne. Certaines sont neutres, d’autres favorables à Jésus, d’autres encore visent à réhabiliter Pilate aux yeux des Romains.
Le texte le plus répandu est une lettre adressée à Tibère, dans laquelle Pilate décrit les miracles de Jésus, sa conduite irréprochable, et son innocence manifeste. Il explique que ce sont les chefs religieux juifs qui ont exigé sa mort, malgré ses tentatives d’apaisement.
D’autres versions présentent une lettre de Tibère demandant des explications à Pilate, ou une lettre apologétique chrétienne attribuée à Pilate après sa conversion supposée.
Que cherche à dire ce texte apocryphe sur Jésus et Pilate ?
L’objectif central de la Lettre de Pilate est de reconstruire une version favorable du procès de Jésus, dans laquelle le pouvoir romain n’est ni injuste, ni violent, mais manipulé par les autorités religieuses juives.
Ce renversement sert plusieurs fonctions :
Protéger l’image de Pilate, devenu dans certaines traditions un témoin involontaire de la vérité du Christ.
Présenter Jésus comme une figure universellement reconnue, même par des gouverneurs païens.
Légitimer la présence chrétienne dans l’Empire, en montrant que l’État romain n’est pas fondamentalement ennemi du message évangélique.
Ce texte n’a pas une valeur historique, mais une fonction politique et catéchétique.
Pourquoi ce texte a-t-il été écarté du canon biblique ?
La Lettre de Pilate ne fait pas partie du Nouveau Testament pour plusieurs raisons :
Elle est apparue tardivement, bien après la clôture du canon.
Elle ne transmet aucun enseignement direct de Jésus ni aucun contenu doctrinal nouveau.
Son origine douteuse et sa fonction défensive la rendent suspecte pour les traditions ecclésiales majeures.
Elle a néanmoins été lue et copiée dans certains milieux chrétiens, et intégrée à des Passions apocryphes plus développées, où elle joue un rôle d’intermède narratif ou de justification politique.
Intérêt actuel de la Lettre de Pilate pour l’histoire chrétienne
Ce texte permet de comprendre comment les premières communautés chrétiennes ont tenté de réconcilier leur foi avec l’histoire.
Il montre une volonté de réécrire le procès de Jésus en tenant compte des rapports de pouvoir, de la mémoire impériale, et des accusations persistantes contre les chrétiens dans l’Empire.
Il éclaire aussi la manière dont Pilate, longtemps vu comme un bourreau, a été récupéré par certains textes comme un homme faible, puis comme un possible converti, voire un martyr, dans des traditions orientales.
Questions fréquentes sur la Lettre de Pilate
1. La Lettre de Pilate est-elle un texte officiel romain ?
Non. C’est un texte apocryphe, écrit par des chrétiens plusieurs siècles après les faits. Il imite la forme d’une lettre officielle, mais n’a aucune valeur historique ou administrative.
2. À qui cette lettre est-elle censée être adressée ?
À l’empereur Tibère, sous lequel Jésus a été crucifié. Pilate y rend compte des événements de Jérusalem, en particulier du procès de Jésus.
3. Que dit Pilate sur Jésus dans ce texte ?
Selon les versions, il affirme que Jésus est innocent, qu’il a accompli des miracles, et qu’il a été condamné sous la pression des autorités juives. Il le décrit comme un homme juste, parfois même comme divin.
4. Existe-t-il plusieurs versions de cette lettre ?
Oui. Il y a des variantes grecques, latines, coptes, parfois contradictoires. Certaines lettres sont même attribuées à Tibère, qui répond à Pilate ou s’intéresse lui-même à Jésus.
5. Ce texte dit-il que Pilate s’est converti ?
Certaines traditions chrétiennes orientales affirment que Pilate s’est converti et a même été sanctifié. Ce n’est pas dans toutes les versions, mais c’est une légende ancienne bien attestée.
6. Pourquoi ce texte a-t-il été écarté du Nouveau Testament ?
Parce qu’il est trop tardif, non apostolique, et parce qu’il ne transmet aucun enseignement fondamental du Christ. Il sert surtout à légitimer le message chrétien vis-à-vis du pouvoir romain.
7. Ce texte est-il repris dans la liturgie chrétienne ?
Non. Il n’a jamais fait partie des textes liturgiques officiels. Il a parfois été lu ou cité dans des textes médiévaux, mais il reste en dehors de toute reconnaissance canonique.
8. Est-ce que cette lettre vise à défendre Jésus ?
Oui, mais aussi à défendre Pilate, et à montrer que Rome n’est pas responsable de la mort du Christ. Le but est souvent autant politique que théologique.
9. Où lire ce texte en français ?
Il figure dans certains recueils comme les Évangiles apocryphes (Pléiade), ou dans des éditions grand public chez Bayard, Cerf, ou Albin Michel, avec notes et introduction.
10. Ce texte est-il encore étudié aujourd’hui ?
Oui. Il intéresse les historiens, les littéraires et les théologiens comme exemple de réécriture chrétienne de l’histoire, et pour comprendre la construction de la figure de Pilate dans la tradition.