Un évangile apocryphe utilisé par un courant minoritaire et radical
L’Évangile selon les Ébionites est un écrit chrétien ancien, aujourd’hui disparu, connu uniquement à travers quelques citations transmises par les Pères de l’Église, notamment Épiphane de Salamine.
Il était utilisé par une communauté appelée les Ébionites, des judéo-chrétiens qui refusaient l’abandon de la Loi de Moïse et rejetaient la naissance divine de Jésus.
Ce texte fait partie des évangiles apocryphes judéo-chrétiens, au même titre que l’Évangile des Nazaréens ou l’Évangile des Hébreux, mais il s’en distingue par une interprétation plus radicale et antipaulinienne.
Origine, langue et caractéristiques du texte
Le texte semble avoir été rédigé en grec, contrairement à d’autres évangiles judéo-chrétiens écrits en araméen ou en hébreu. Il date probablement du IIe siècle, dans un contexte où plusieurs versions des évangiles coexistaient.
Les Ébionites formaient un groupe minoritaire issu du judaïsme, qui rejetait l’apôtre Paul, considérait Jésus comme un homme élu, non comme un Fils divin, et refusait toute doctrine de naissance virginale.
L’évangile qu’ils utilisaient était une version abrégée et modifiée de Matthieu, sans récit de la naissance, ni généalogie, ni mention de Joseph comme époux de Marie.
Le baptême de Jésus y joue un rôle central, présenté comme le début de sa mission, après qu’il eut reçu l’onction de l’Esprit.
Ce que l’on sait du contenu : fragments et choix théologiques
Parmi les éléments rapportés par Épiphane :
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Jésus y est simplement appelé « homme », sans allusion à sa nature divine.
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Le Saint-Esprit y apparaît sous la forme d’une colombe.
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Le texte cite une parole attribuée à Jésus disant que la Loi n’est pas abolie.
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Le récit de la dernière Cène est adapté à un cadre végétarien (les Ébionites refusaient les sacrifices animaux).
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Il n’y a aucune mention de la crucifixion comme acte rédempteur.
Ces choix reflètent la théologie propre des Ébionites, qui voyaient en Jésus un homme inspiré, modèle d’obéissance à Dieu, mais pas une incarnation divine.
Pourquoi ce texte a été écarté du canon
L’Évangile selon les Ébionites n’a jamais été envisagé pour une intégration au canon pour plusieurs raisons :
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Il s’oppose radicalement à la christologie du Nouveau Testament,
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Il rejette l’apôtre Paul, reconnu comme pilier du christianisme naissant,
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Il modifie des passages évangéliques fondamentaux,
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Il reflète une théologie de rupture, jugée incompatible avec la foi de l’Église.
Il a été explicitement dénoncé par les Pères de l’Église comme un évangile hérétique, même si son contenu n’est pas totalement connu.
L’intérêt de ce texte pour comprendre les marges du christianisme ancien
Ce texte montre que, dans les premiers siècles, le christianisme n’était pas encore unifié. Des groupes comme les Ébionites ont développé une vision très différente de Jésus, de la Loi, de la révélation, et des rites.
Même s’il a été rejeté, l’Évangile selon les Ébionites est un témoin précieux d’un christianisme enraciné dans le judaïsme, opposé à toute divinisation de Jésus, et marqué par une fidélité rigoureuse à la Torah.
Il éclaire aussi les tensions entre Pierre, Jacques et Paul dans les premiers temps de l’Église, et la manière dont certaines communautés ont résisté à l’évolution doctrinale du christianisme majoritaire.
Questions fréquentes sur l’Évangile selon les Ébionites
1. Ce texte est-il conservé ?
Non. L’Évangile selon les Ébionites est perdu. Il est seulement connu par quelques citations rapportées par des auteurs anciens, notamment Épiphane de Salamine.
2. Qui étaient les Ébionites ?
Des chrétiens d’origine juive qui suivaient la Loi de Moïse, refusaient la divinité de Jésus, et rejetaient l’apôtre Paul. Leur nom vient de l’hébreu ’ebyonim (pauvres).
3. Ce texte est-il lié à l’Évangile de Matthieu ?
Oui. Il semble s’agir d’une version abrégée et modifiée de l’Évangile de Matthieu, adaptée aux convictions des Ébionites.
4. Quelle est sa langue d’origine ?
Contrairement aux autres évangiles judéo-chrétiens, celui-ci aurait été rédigé en grec, selon les sources qui l’ont cité.
5. Ce texte reconnaissait-il la naissance virginale de Jésus ?
Non. Il ne contient aucun récit de la naissance. Jésus y apparaît uniquement comme un homme juste, choisi par Dieu, et investi de l’Esprit lors du baptême.
6. Quelle place avait Paul dans ce texte ?
Aucune. Les Ébionites rejetaient totalement Paul, qu’ils considéraient comme un falsificateur de la Loi.
7. Ce texte était-il utilisé dans les Églises chrétiennes ?
Non. Il était limité aux communautés ébionites, considérées comme hétérodoxes dès le IIe siècle.
8. L’Église a-t-elle condamné ce texte ?
Oui. Les Pères de l’Église l’ont désigné comme un texte hérétique, en raison de sa christologie basse et de son antipaulinisme radical.
9. Est-il possible de lire les fragments en français ?
Oui. Les citations conservées sont disponibles dans les Écrits apocryphes chrétiens (Pléiade) et dans certaines études spécialisées.
10. Quel est l’intérêt de ce texte aujourd’hui ?
Il permet de comprendre une autre forme de christianisme primitif, fidèle au judaïsme, opposée à la divinisation de Jésus, et restée en marge du développement doctrinal de l’Église.