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Dans le bunker secret de Google : Ils veulent tuer la mort

Par Philippe Loneux |
Vision scindée en deux : à gauche, une main âgée et ridée sur une pierre tombale fissurée ; à droite, un caisson technologique futuriste sous les logos lumineux de Google et Calico.

L’odeur de la vieillesse, tout le monde la connaît. Ce mélange douceâtre d’urine séchée, de soupe tiède et de désinfectant chimique qui stagne dans les couloirs des EHPAD. C’est l’odeur de la défaite biologique.

À Mountain View, en Californie, cette odeur est interdite.

Dans des laboratoires aseptisés, dont l’emplacement exact reste flou, des centaines de scientifiques parmi les mieux payés au monde ne cherchent pas à soigner votre cancer. Ils ne cherchent pas à soulager votre arthrite. Ils s’attaquent à la cause racine de tout cela. Ils veulent « résoudre » la mort comme on résout un bug informatique.

Bienvenue chez Calico (California Life Company). La filiale la plus étrange, la plus secrète et la plus ambitieuse de l’empire Google (Alphabet). Leur mission tient en une phrase qui ferait passer un pharaon égyptien pour un petit joueur : tuer la faucheuse.

Le Syndrome de Dieu (Version Silicon Valley)

Septembre 2013. Larry Page, cofondateur de Google, lâche une bombe médiatique. Le géant de la recherche ne se contente plus d’indexer le web. Il va investir des milliards pour « comprendre le vieillissement et prolonger la vie humaine« .

Le monde a ricané. Encore un caprice de milliardaire terrifié par sa propre finitude.

Dix ans plus tard, personne ne rit plus. Calico dispose d’un trésor de guerre estimé à plus de 2,5 milliards de dollars. Ils ont débauché les stars mondiales de la génétique, de la biologie computationnelle et de l’intelligence artificielle.

Leur philosophie est purement « tech ». Pour eux, le corps humain n’est pas un temple sacré. C’est une machine. Une machine incroyablement complexe, certes, mais dont le code source est bourré d’erreurs accumulées sur des millénaires d’évolution hasardeuse. Le vieillissement n’est pas une fatalité naturelle. C’est une maladie. Et comme toute maladie, elle se guérit.

Ils appellent ça le « débogage » de l’humain.

Zoom sur l’horreur : La star du laboratoire est un monstre

Calico cultive le secret avec une paranoïa digne de la NSA. Peu d’informations filtrent. Mais on connaît leur animal fétiche. Oubliez les souris blanches. La star de Calico est une abomination de la nature.

Le rat-taupe nu.

Imaginez une saucisse fripée, rose, aveugle, dotée de dents de sabre qui traversent ses lèvres. Il vit sous terre dans des colonies semblables à celles des insectes. Il est hideux.

Mais il possède un superpouvoir qui obsède les chercheurs de Google.

Un rat normal vit trois ans. Le rat-taupe nu peut vivre plus de trente ans. Transposé à l’échelle humaine, c’est comme si vous viviez jusqu’à 800 ans. Mieux : il ne développe presque jamais de cancer. Sa peau ne vieillit pas. Ses artères restent souples jusqu’à la dernière minute. Il meurt en bonne santé.

Dans les cuves de Calico, on séquence l’ADN de ces créatures. On cherche l’interrupteur génétique. Le « patch » correctif qui permet à cette bestiole d’ignorer les règles de base de la biologie. Si on trouve ce gène, la prochaine étape est évidente : l’implanter chez nous.

Cynthia Kenyon et les vers qui refusent de mourir

Pour diriger la science, Calico a recruté une légende vivante : Cynthia Kenyon.

Dans les années 90, cette généticienne a stupéfié la communauté scientifique avec une expérience sur un petit ver transparent, C. elegans. En modifiant un seul gène (le gène daf-2), elle a réussi à doubler la durée de vie du ver.

Ces vers ne vivaient pas juste plus longtemps. Ils restaient jeunes plus longtemps. À l’âge où leurs congénères étaient des épaves biologiques, les vers mutants de Kenyon s’accouplaient encore frénétiquement.

C’est le cœur de la promesse Calico. Ils ne veulent pas vous faire vivre 150 ans dans un lit médicalisé. Ils visent le « healthspan » : étirer la période de pleine santé. Mourir jeune, mais le plus tard possible.

Kenyon applique aujourd’hui la puissance de calcul de Google à ses théories. L’intelligence artificielle scanne des milliards de combinaisons moléculaires pour trouver la molécule capable de reproduire l’effet « daf-2 » chez l’homme. Ils cherchent la pilule qui arrêtera l’horloge interne.

Le cauchemar éthique : Une élite de Mathusalem ?

L’ambition de Calico soulève une question brutale que la Silicon Valley préfère ignorer.

Si demain, Calico sort une thérapie génique qui stoppe le vieillissement, combien ça coûtera ?

Ces traitements ne seront pas des aspirines. Ils coûteront des centaines de milliers, peut-être des millions de dollars. Ils seront complexes, personnalisés.

Nous risquons de voir naître une nouvelle fracture sociale, la plus violente de l’histoire. D’un côté, une caste d’hyper-riches, les Jeff Bezos, Elon Musk et Larry Page, qui s’offriront des siècles de vie, accumulant toujours plus de richesses et de pouvoir grâce à leur longévité.

De l’autre, le reste de l’humanité, condamné à l’ »ancienne » mort biologique, regardant ces nouveaux dieux régner depuis leurs tours d’ivoire.

L’immortalité ne sera pas un droit. Ce sera le produit de luxe ultime. Sauf si… Google avait un coeur dans le portefeuille. L’avenir nous le dira, peut-être.

En attendant, mangeons 5 fruits et légumes par jour, c’est déjà un bon début.

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Les questions que tout le monde se pose

Calico a-t-il déjà trouvé quelque chose ?

Officiellement, non. Ils publient peu. Ils ont annoncé des partenariats pour des médicaments contre les maladies neurodégénératives (le « bas étage » du vieillissement). Mais leur « Grand Œuvre », l’arrêt du vieillissement cellulaire, reste enfermé dans leurs laboratoires. Le silence est leur stratégie.

Est-ce vraiment possible scientifiquement ?

Oui et non. On sait ralentir le vieillissement chez des animaux simples (levures, vers, mouches, souris). Le passage à l’homme est un mur de complexité vertigineux. Notre biologie est infiniment plus redondante. Bloquer une voie du vieillissement en active souvent une autre (comme le cancer).

Quand pourrai-je acheter la pilule d’immortalité ?

Probablement pas de votre vivant si vous avez plus de 40 ans aujourd’hui. Les essais cliniques sur le vieillissement prendraient des décennies par définition. Mais le but de Calico n’est pas de vous sauver vous, maintenant. C’est de changer la définition même de l’humain pour le siècle prochain.

Regardez votre smartphone. Il y a vingt ans, c’était de la science-fiction. Aujourd’hui, Google veut faire à votre corps ce qu’ils ont fait à votre téléphone : une mise à jour système permanente.

À propos de l’auteur Chroniqueur spécialisé en histoire des croyances et symbolisme, explore les frontières du visible. Il décrypte aussi bien les traditions religieuses que les phénomènes ésotériques et les grands mystères, en cherchant toujours le sens caché sous le prisme de l’analyse historique.
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