Il est devenu difficile de naviguer sur les plateformes sociales sans croiser ce terme ou les concepts qui l’accompagnent. Le mot masculinisme s’est imposé dans le débat public, propulsé par une présence numérique massive et des figures médiatiques clivantes. Si le terme suscite autant d’interrogations aujourd’hui, c’est parce qu’il ne désigne pas un simple club de discussion, mais un véritable phénomène de société aux contours parfois flous. Pour saisir les enjeux de ce courant de pensée, il est nécessaire de décrypter ce qui se cache derrière cette revendication d’une nouvelle identité masculine.
Qu’est-ce que le masculinisme aujourd’hui ?
Définir le masculinisme est un exercice complexe car le mouvement est loin d’être homogène. Historiquement, il s’est construit en miroir du féminisme, affirmant que les hommes souffrent eux aussi de discriminations systémiques. À l’origine, certains groupes se concentraient sur des problématiques juridiques précises, comme la garde des enfants après un divorce ou la reconnaissance de la souffrance au travail.
Cependant, le visage actuel du mouvement, celui qui domine les tendances de recherche, est bien plus radical. Il s’agit d’une idéologie qui postule que la société moderne est devenue structurellement hostile aux hommes. Les tenants de cette ligne affirment que l’émancipation des femmes et la lutte pour l’égalité des sexes ont entraîné une crise de la masculinité. Pour eux, l’homme occidental serait en danger, dépossédé de son rôle naturel de protecteur et de pourvoyeur.
La « Manosphere » : quand les algorithmes propulsent l’idéologie
La montée en puissance de ce discours est indissociable de ce que l’on appelle la Manosphere. Ce terme désigne l’ensemble des communautés en ligne (forums, blogs, chaînes vidéo) dédiées aux intérêts des hommes. C’est ici que le masculinisme a trouvé son écho le plus puissant, favorisé par le fonctionnement même des réseaux sociaux.
Le rôle central des influenceurs
La diffusion de ces idées repose sur des influenceurs populaires qui maîtrisent parfaitement les codes de la viralité sur TikTok, Instagram ou YouTube. Ces créateurs de contenu ne se présentent pas toujours comme des théoriciens politiques. Ils attirent d’abord leur audience par des conseils en développement personnel : comment devenir riche, comment se muscler, comment avoir confiance en soi.
Une fois l’audience captée, le discours glisse vers des thématiques sociétales. Ils mettent en scène un modèle de réussite basé sur la performance, l’argent et la domination sociale. Le message est souvent binaire : pour réussir, l’homme doit rejeter la vulnérabilité et renouer avec une virilité conquérante, souvent présentée comme la seule voie vers le bonheur.
Un retour revendiqué aux valeurs traditionnelles
Le cœur doctrinal du masculinisme contemporain repose sur une nostalgie d’un ordre ancien. Le mouvement prône un retour explicite à des valeurs traditionnelles et à une répartition stricte des rôles genrés. Dans cette vision du monde, l’homme doit incarner l’autorité et la force, tandis que la femme est souvent renvoyée à la sphère domestique ou maternelle.
Cette rhétorique séduit particulièrement une partie de la jeunesse masculine en quête de repères. Face à un monde complexe et en mutation rapide, le discours masculiniste offre des réponses simples et tranchées. Il promet de restaurer un sentiment de puissance et de contrôle. Ce retour au conservatisme s’accompagne quasi systématiquement d’une hostilité affichée envers les féministes, accusées d’être responsables du mal-être masculin et de la déstructuration de la famille nucléaire.
Entre développement personnel et radicalisation
Si une partie des internautes recherche ce terme pour trouver des conseils de vie, la frontière est parfois ténue avec des discours plus problématiques. Les spécialistes des mouvements en ligne alertent sur la capacité du masculinisme à servir de porte d’entrée vers des idéologies misogynes. Sous couvert de défendre la condition masculine, certains contenus valident le harcèlement ou la dévalorisation systématique des femmes.
Comprendre le masculinisme, c’est donc observer cette double dynamique : d’un côté, l’expression d’un désarroi identitaire réel chez certains hommes, et de l’autre, une structuration politique et numérique qui transforme ce malaise en un combat culturel contre l’évolution des mœurs.

Les Symboles de la Féminité et de la Masculinité
Définition et Concepts Clés du Masculinisme
1. Idéologie Réactionnaire et Antiféministe Le masculinisme est majoritairement décrit comme un ensemble de mouvements réactionnaires, misogynes et antiféministes. Il nie l’existence du patriarcat et vise à promouvoir les intérêts des hommes, qu’il estime menacés par les femmes et les avancées féministes.
2. La « Crise de la Masculinité » C’est le concept central du mouvement : les hommes seraient victimes d’une société féminisée. Cette rhétorique impute aux féministes la responsabilité d’un mal-être masculin et prône un retour aux valeurs traditionnelles et à une masculinité hégémonique.
3. Revendications Principales
Droits des Pères : Une mobilisation forte contre les décisions de justice (divorce, garde d’enfants) jugées discriminatoires envers les pères.
Violences : L’affirmation d’une « symétrie de la violence » conjugale, qui nie ou minimise la spécificité des violences faites aux femmes.
Paternité : La demande de reconnaissance de la « paternité imposée » et du droit juridique de refuser la filiation.
4. La Nébuleuse « Manosphère » Ces idées prospèrent en ligne via des communautés diverses et parfois radicales : les MRA (activistes des droits des hommes), les Incels (célibataires involontaires), les MGTOW (hommes faisant sécession de la société) et les coachs en virilité.
5. Hominisme vs Masculinisme Le terme « hominisme » est parfois utilisé par les partisans du mouvement pour se présenter comme un pendant positif et humaniste du féminisme. Cependant, les critiques soulignent que ce vocabulaire masque souvent les mêmes fondements idéologiques antiféministes.
Pour en découvrir davantage sur le masculinisme en Europe, nous vous conseillons cet article de Christine Bard.




