1. L’empereur Néron : qui était-il ?
Néron, né en 37 après Jésus-Christ, devient empereur de Rome à l’âge de 17 ans, en 54, après la mort de son beau-père Claude, adoptif mais aussi écarté dans des circonstances troubles. Sa mère, Agrippine, joue un rôle central dans son arrivée au pouvoir. Mais quelques années plus tard, il la fait assassiner.
Les premières années de son règne sont relativement stables. Il s’entoure de conseillers expérimentés comme Sénèque, qui essaient de contenir ses excès. Mais très vite, Néron devient imprévisible. Son goût pour la mise en scène, le luxe et les jeux de pouvoir prend le dessus. Il veut être adulé comme un artiste, un poète, un dieu vivant.
Il meurt en 68, à l’âge de 30 ans, après une série de révoltes et un rejet massif du Sénat. Acculé, il se suicide. Sa mort marque la fin de la dynastie des Julio-Claudiens.
2. Néron: Une figure centrale de l’imaginaire impérial
Ce qui rend Néron unique dans la mémoire collective, ce n’est pas seulement son pouvoir. C’est la manière dont il s’en est servi. Il aimait se produire en public, chanter, réciter des vers, participer à des compétitions théâtrales. Il imposait au peuple sa propre image, celle d’un empereur inspiré, au-dessus des lois, intouchable.
Les sources anciennes, notamment Tacite, Suétone et Dion Cassius, dressent un portrait accablant. Elles évoquent sa violence, ses excès sexuels, ses trahisons, sa cruauté. Il fait tuer sa mère, ses rivaux, son épouse Poppée, qu’il frappe à mort alors qu’elle est enceinte. Il brûle Rome, dit-on, pour pouvoir reconstruire selon son goût. Même si cet épisode reste débattu, il nourrit durablement son image de tyran capricieux.
3. Le lien entre Néron et les chrétiens
C’est sous son règne que survient la première persécution officielle des chrétiens à Rome. En 64, un incendie ravage une grande partie de la ville. Beaucoup soupçonnent Néron d’en être l’auteur. Pour détourner les accusations, il accuse un groupe marginal et mal vu : les disciples de Jésus de Nazareth.
Il les fait arrêter, livrer aux bêtes, crucifier, brûler vifs. La persécution est brutale, publique, spectaculaire. C’est à ce moment que, selon la tradition, Pierre et Paul sont mis à mort. Cette mémoire reste vive dans les écrits chrétiens. Elle place Néron parmi les grandes figures du mal politique.
4. Le chiffre 666 dans l’Apocalypse et la figure de Néron
Le livre de l’Apocalypse, rédigé à la fin du Ier siècle, contient un passage mystérieux : le nombre de la Bête, présenté comme 666. Ce chiffre est lié à un “nombre d’homme”, à calculer selon la sagesse.
De nombreux chercheurs estiment que ce chiffre renvoie à Néron. En utilisant la gématrie (système où chaque lettre a une valeur numérique), son nom Neron Caesar, écrit en hébreu, donne 666. D’autres manuscrits donnent même 616, ce qui correspond à une variante du même nom.
Ce lien suggère que l’Apocalypse désigne l’empereur non comme une figure mythique, mais comme un pouvoir réel, perçu comme persécuteur et corrupteur. Ce n’est pas le diable en personne. C’est un homme dont le pouvoir prend une forme dévastatrice. Le chiffre devient un symbole d’un ordre politique injuste présenté comme sacré.
5. L’image de Néron après sa mort
Après son suicide, plusieurs rumeurs circulent. Certains disent qu’il n’est pas vraiment mort. D’autres annoncent son retour. Il devient une sorte de fantôme politique, une figure du retour du mal. Plusieurs imposteurs se présentent comme lui dans les années suivantes.
Chez les chrétiens, l’idée d’un Antéchrist ou d’un pouvoir qui reviendra à la fin des temps reprend parfois ce souvenir. Pas comme une prophétie précise, mais comme un avertissement : l’histoire peut faire resurgir des figures de domination qui se présentent comme nécessaires, brillantes, inévitables — et qui détruisent.
Néron reste l’un des noms les plus redoutés de l’Antiquité. Pas parce qu’il fut le seul tyran, mais parce qu’il a porté cette tyrannie jusqu’à l’absurde. Il incarne un pouvoir qui ne se reconnaît plus de limite, un pouvoir qui se prend pour une œuvre d’art, mais qui détruit la réalité pour imposer son fantasme.
Dans les traditions chrétiennes, il reste associé au pouvoir qui persécute, à l’illusion d’un monde sans Dieu, à la séduction d’un ordre injuste. Son nom, son image, sa trace se retrouvent dans les interprétations du livre de l’Apocalypse, dans les sermons anciens, dans l’histoire de la persécution.