Le Lévitique est l’un des livres les plus méconnus — et parfois les plus redoutés — de l’Ancien Testament. Troisième livre de la Torah, il est souvent perçu comme une suite de règles obscures, rigides, voire dépassées. Et pourtant, c’est un texte fondamental pour comprendre la vision biblique du monde, du corps, du péché, et de la sainteté. Voici ce qu’il faut savoir pour l’aborder avec justesse.
Un livre au cœur du Pentateuque
Le Lévitique tient son nom de la tribu de Lévi, chargée du service du sanctuaire. Contrairement aux autres livres narratifs de la Genèse ou de l’Exode, il ne raconte pas d’histoire. Il rassemble principalement des prescriptions cultuelles, règlements rituels et règles de pureté, destinés à organiser la vie du peuple d’Israël dans sa relation à Dieu.
Il s’ouvre après l’installation du Tabernacle dans le désert, et forme une sorte de « manuel » pour les prêtres et les fidèles. Il répond à une question centrale : comment vivre en présence du Dieu saint ?
Trois grands ensembles de lois
Le Lévitique est structuré en plusieurs blocs, qui ne se lisent pas comme un code juridique moderne, mais comme une théologie incarnée.
1. Les sacrifices (chapitres 1 à 7)
On y trouve les instructions sur les différents types d’offrandes : holocaustes, sacrifices de paix, offrandes pour le péché ou pour la culpabilité. Ces rites n’étaient pas mécaniques. Ils exprimaient le désir de purification, de gratitude ou de réconciliation avec Dieu.
Chaque type de sacrifice correspondait à une situation précise : faute involontaire, action de grâce, réparation d’une injustice, etc. Le geste rituel faisait le lien entre l’acte humain et la sainteté divine.
2. Le sacerdoce et la sainteté (chapitres 8 à 16)
Ces chapitres abordent l’ordination des prêtres, les règles de leur comportement, mais aussi les notions de pureté et d’impureté. L’un des moments centraux est le rite du Grand Pardon (Yom Kippour), décrit au chapitre 16, où le grand prêtre entre dans le Saint des Saints pour demander le pardon de tout le peuple.
Les lois de pureté, souvent déroutantes pour le lecteur moderne (touchers impurs, maladies de peau, pertes corporelles…), reflètent une conception symbolique du monde : certaines réalités biologiques — sang, mort, sexualité — étaient chargées de signification spirituelle.
3. Le code de sainteté (chapitres 17 à 26)
Ce dernier ensemble, parfois appelé « code de sainteté », développe l’appel adressé à tout Israël :
« Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lév. 19,2).
Il ne s’agit plus seulement de lois rituelles, mais de commandements moraux et sociaux : respect des parents, justice envers les pauvres, honnêteté dans les échanges, interdiction des pratiques idolâtres et des relations sexuelles interdites. Le Lévitique affirme que la sainteté n’est pas réservée au culte : elle doit imprégner toute la vie.
Pourquoi ces lois paraissent-elles si dures ?
Certains passages du Lévitique choquent : interdictions strictes, punitions sévères, exclusions. Il faut les replacer dans leur contexte : une société tribale, sans État ni système judiciaire indépendant, qui cherchait à organiser la vie collective autour du sacré.
Ces lois visaient à séparer Israël des autres peuples païens, à éduquer à la fidélité, et à instaurer une cohérence entre vie quotidienne et foi. Elles ne sont pas toutes à reproduire aujourd’hui, mais elles révèlent une tension profonde entre la proximité de Dieu et l’indignité humaine.
Quel sens pour les chrétiens ?
Le Lévitique a longtemps été un obstacle à la lecture chrétienne de l’Ancien Testament. Pourtant, les premières communautés chrétiennes, et notamment les auteurs du Nouveau Testament, y font souvent référence. Le sacrifice du Christ, par exemple, est relu à la lumière du Yom Kippour, comme un acte unique et parfait de réconciliation.
Jésus lui-même cite des passages du Lévitique. Le célèbre commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » vient directement de Lév. 19,18.
Pour les chrétiens, la plénitude de la Loi s’accomplit en Christ. Les sacrifices ne sont plus à répéter, mais ils révèlent le besoin de pardon. Les règles de pureté n’ont plus force de loi, mais elles indiquent une nécessité intérieure de conversion. Le Lévitique n’est pas aboli, il est transfiguré.