Un texte chrétien ancien écrit au nom des douze apôtres
La Lettre des Apôtres (Epistula Apostolorum) est un écrit apocryphe composé au IIe siècle, probablement en Syrie. Contrairement à la plupart des apocryphes gnostiques de la même époque, ce texte défend une vision orthodoxe de la foi chrétienne.
Il se présente comme une lettre collective des douze apôtres, envoyée aux Églises du monde entier, peu après la résurrection du Christ. Après une brève introduction narrative, il laisse place à un long dialogue entre Jésus ressuscité et ses apôtres, dans lequel il leur révèle ce qu’ils doivent transmettre au monde.
Ce document vise à affirmer les fondements de la foi chrétienne : incarnation réelle, mort sur la croix, résurrection corporelle, jugement final, et rôle central des apôtres.
Origine, contexte et transmission de la Lettre des Apôtres
La Lettre des Apôtres a été écrite vers 160-170 après J.-C., dans un milieu chrétien non gnostique. Elle répond à l’essor des mouvements gnostiques, qui contestaient la réalité du corps du Christ ou le sens de sa mort.
Elle a été transmise en éthiopien (guèze), en latin, en copte et en grec, mais jamais intégrée au canon du Nouveau Testament. Sa diffusion est restée limitée à certaines Églises orientales.
Elle n’a pas été condamnée comme hérétique, mais plutôt marginalisée au profit des évangiles canoniques et des lettres pauliniennes. Elle reste pourtant un témoignage précieux de l’effort des premières communautés pour défendre ce qu’elles percevaient comme la vraie foi.
Un évangile sous forme de dialogue avec le Christ ressuscité
Le cœur du texte est un dialogue entre Jésus et les apôtres, proche dans sa forme des Discours après la Résurrection présents dans d’autres écrits anciens. Il y est question :
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de l’origine du Fils,
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de son incarnation dans la chair,
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de sa mort volontaire sur la croix,
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de sa résurrection corporelle,
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du jugement à venir,
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de la permanence du péché,
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et de la nécessité de croire et de garder la foi.
Le texte insiste sur l’unité entre corps et esprit, contre les courants qui séparaient radicalement le monde matériel et la divinité. Il utilise un ton pastoral, presque catéchétique, pour rappeler aux fidèles les fondements de leur espérance.
Contre quoi ce texte a-t-il été écrit ?
La Lettre des Apôtres répond indirectement aux doctrines de plusieurs écoles gnostiques, comme celles de Basilide, Valentin, ou des séthiens, pour qui le corps du Christ n’était qu’une apparence, et la croix une illusion.
Elle réaffirme que Jésus est né d’une femme, qu’il a souffert réellement, qu’il a été crucifié dans la chair, qu’il est ressuscité avec son corps, et qu’il jugera les vivants et les morts. Elle s’oppose donc à toute lecture purement symbolique ou intérieure du salut.
Ce n’est pas un traité de polémique. C’est un rappel — écrit pour des communautés qui doutent, ou qui sont exposées à d’autres récits.
Une importance méconnue pour l’histoire du christianisme ancien
La Lettre des Apôtres est un document de transition, entre les évangiles canoniques et les premiers symboles de foi. Elle montre que l’identité chrétienne a été construite dans un climat d’affirmation et de clarification, au milieu de plusieurs lectures concurrentes.
Elle porte la trace d’une époque où l’Église n’est pas encore structurée, mais où l’on cherche déjà à protéger un noyau de doctrine, à préserver la mémoire apostolique, et à encadrer la diversité naissante.
Le texte, oublié pendant des siècles, est aujourd’hui redécouvert comme un témoignage précieux de la foi chrétienne dans sa forme préconciliaire.
Questions fréquentes sur la Lettre des Apôtres
1. Est-ce un vrai évangile ?
Non. Ce n’est pas un évangile narratif comme ceux de Matthieu ou Luc. C’est un texte apocryphe, présenté comme une lettre collective des douze apôtres, suivie d’un dialogue avec Jésus ressuscité.
2. Ce texte est-il gnostique ?
Non. Il a été rédigé contre les gnostiques. Il affirme la résurrection corporelle, la souffrance réelle du Christ, et la validité du monde créé, ce que rejetaient de nombreux courants gnostiques.
3. Pourquoi ce texte a-t-il été écarté de la Bible ?
Il a été peu diffusé, et son forme hybride (entre lettre, évangile et catéchèse) ne correspondait pas aux critères du canon. Il n’a pas été condamné, mais n’a pas été retenu dans les lectures officielles.
4. À quelle date a-t-il été écrit ?
Il a probablement été rédigé entre 160 et 170 après J.-C., dans une région de langue grecque, peut-être en Syrie ou en Asie Mineure.
5. Dans quelle langue a-t-il été conservé ?
Le texte est parvenu jusqu’à nous principalement en éthiopien ancien (guèze). Des fragments grecs et coptes ont également été retrouvés.
6. Qui en est l’auteur ?
Il est attribué collectivement aux douze apôtres, mais il s’agit d’une attribution fictive, typique des textes pseudépigraphes. L’auteur réel reste inconnu.
7. Que dit ce texte sur Jésus ?
Il affirme que Jésus est Dieu incarné, qu’il est né, mort et ressuscité dans la chair, qu’il est revenu après sa mort, et qu’il jugera le monde à la fin des temps.
8. Quelle est la particularité de ce texte ?
Il combine une forme épistolaire, une catéchèse post-pascale, et un enseignement contre l’hérésie, dans un seul texte court et accessible.
9. Peut-on le lire aujourd’hui en français ?
Oui. Il figure dans plusieurs recueils d’écrits apocryphes, notamment la Pléiade, ou dans des éditions isolées chez Cerf, Bayard, ou Albin Michel.
10. Pourquoi ce texte est-il intéressant aujourd’hui ?
Il montre comment les premiers chrétiens ont défini leur foi en opposition à d’autres courants, et comment ils ont cherché à transmettre une vérité stable, tout en répondant à des débats bien réels sur la nature du Christ.
